Tuesday 31 January 2012

Non-violence, campements et jardins

Occupons Montréal - Novembre 2011
Suite à ma réflexion (plus tôt en anglais) sur la direction prise par le mouvement, je vous offre maintenant un deuxième volet.
   Dans la dynamique de la « praxis » (action-réflexion-action) du mouvement Occupons Montréal (OM), j’essaie de participer surtout en encourageant la réflexion tout en m’impliquant aussi dans au moins quelques unes des actions.
   Par cette essai, je prétends ouvrir une réflexion sur trois thèmes que j’ai l’intention, avec temps, de développer plus en détail.  Ici, ce ne serait que pour indiquer une hypothèse sur le sens de l’interrelation de ces trois éléments pour le mouvement. Les thèmes, annoncés déjà dans le titre, sont d’une grande actualité à ce moment de l’évolution du mouvement OM. J’espère que mes ruminations aideront à les situer mieux mais aussi à provoquer une prise de conscience généralisée chez les occupants.
   Pour Gandhi, grand pratiquant de la non-violence et celui qui a aussi le plus marqué la théorie, le cœur de ce chemin se trouve dans deux mots hindis : satyagraha et ahimsa. Le premier fait référence à la force de la vérité cachée par l’oppression et qui est mis en clarté par une action directe.  Ahimsa souvent se traduit par « amour », c’est-à-dire l’effort de chercher le bien de l’autre, surtout de l’autre qui est exclu et opprimé.  Il faut dire tout de suite que la vérité et l’amour cherché dans la non-violence ne sont ni des éléments abstraits ni de l’affection sentimentale.  Ce sont toujours des réalités vécues dans l’action et dont on découvre le sens et la profondeur au moyen d’une réflexion postérieure sur l’action. L’exemple le plus connu dans la vie de Gandhi a été la marche du sel. Les Anglais avaient mis une taxe sur l’achat du sel. Gandhi a convoqué une marche vers la mer pour récolter du sel le long de la plage. Ainsi il a révélé à la population indienne le pouvoir qu’elle avait de prendre la vie entre  ses propres mains et gérer ses affaires sans besoin de l’empire britannique. En même temps, il a révélé l’impuissance de l’empire, ce qui a encouragé la population à aller encore plus loin. Dans son action, il était très important d’aller directement, publiquement et massivement contre les directives formelles du gouvernement colonial. C’était ça qui faisait l’impact de son action. La vérité derrière l’action de Gandhi était que la population indienne, sujet de l’empire britannique, était en réalité un peuple fort de dignité, de savoir et de pouvoir pour gérer ses affaires sans besoin de l’empire.

   Si le mouvement OM a décidé de prendre la route de la non-violence, il fallait donc chercher la vérité cachée par le système dominant  de telle façon qu’on pourrait, par une action directe, convoquer la population à trouver sa propre force.

   Le mouvement a commencé avec un campement à la Place du peuple (anciennement connu comme Square Victoria). En situant leur campement en plein milieu du secteur financier de Montréal, il envoyait un message aux super-riches de la société que leur pouvoir était vide. Il ouvrait une piste d’action autonome et libre. Il annonçait à la société qu’il est possible de trouver une autre manière de vivre sans dépendance à l’empire de la monnaie. 
   Les trois réalités qui préoccupent le plus les pauvres et les exclu(e)s de la ville de Montréal sont une combinaison de soucis de logement, de nourriture et d'appartenance. Grand nombre de citoyens de la ville souffrent de l’insécurité de trouver un logement abordable et d’avoir une sécurité alimentaire, surtout d'aliments sains. Il y a aussi énormément des personnes à Montréal qui souffrent de l’isolement et de la solitude.

   Par la seule action de camper sur la Place du peuple, le mouvement répondait à ces trois soucis. Même sans jamais le dire clairement, le campement mettait ces besoins en évidence pour tout le monde et pointait vers une piste pour y répondre : vivre ensemble, en communauté heureuse et solidaire, en se nourrissant de façon communautaire. Pendant quelques semaines, le mouvement, par sa présence seule, questionnait tout le système de logement, d'alimentation et de vivre ensemble qui régit la ville. Et, en même temps, le campement ouvrait une espace où déjà il y avait moyen d’avancer vers des solutions pratiques.
   En choisissant un campement en plein centre-ville, le mouvement prenait parti pour les exclus mais aussi forgeait son identité en tant que mouvement. À partir de là, c’est la question du logement, de l'alimentation et de vivre ensemble qui marquera l’identité du mouvement.  C’était une action directe qui allait contre les normes officielles de la ville et qui mettait en question la capacité de la ville de gérer ces trois éléments. Aller à la Place du peuple simplement pour passer la journée ensemble en partageant un repas n’aurait pas eu d’impact. Ce genre de rassemblement se fait partout dans la ville—au Parc Lafontaine, Parc Maisonneuve et Parc Jarry, par exemple—tout au long de l’été sans problème et sans présence médiatique. Ce qui faisait la différence, c’est qu’on est allé beaucoup plus loin : Contre toutes les normes pour vivre ensemble dans la ville de Montréal,  le mouvement a prétendu établir une communauté permanente et vivre ensemble en plein milieu d’un espace public. En faisant leur rassemblement de cette façon-là, le mouvement a remis en question le pouvoir de la ville de régir la façon dont les citoyens trouvent solution à leurs besoins d’avoir un toit, de se nourrir et de vivre la solidarité. C’est ça, la force du mouvement. Si le mouvement veut continuer il faut bâtir à partir de ce qu’il a initié le 15 Octobre 2011.

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