Saturday 17 September 2011

La théologie de la libération aujourd'hui

 Pierre Collet a eu l'amabilité de traduire—et même perfectionner !—ma réflexion sur la théologie de libération et le faire publier dans le no. 28 du Bulletin de P.A.V.É.S. Je suis très reconnaissant parce à Pierre et au P.A.V.É.S.

Cette réflexion est inspirée par l’expérience du Forum Mondial Théologie
et Libération où plus de 100 personnes ont passé six jours à tenter d’étudier les défis pour l’avenir d’une authentique théologie de la libération. Ce n’est pas un résumé ou un rapport. D’autres le feront, j’espère. Ce que je veux faire, c’est présenter une approche très simple de ce qu’est la théologie de la libération en 2011 et un ou deux défis qui lui sont proposés. Pour pouvoir avancer, nous devons garder un oeil sur le futur et l’autre sur le chemin déjà accompli. Ma présentation n’est pas scolaire : comme d’habitude, j’écris en tant que personne engagée.
Si vous avez fait de la théologie il y a longtemps, vous vous rappellerez que l’approche classique de la théologie partait d’un rapport à la doctrine (ou même au dogme) qui se basait sur des documents de l’église et se référait ensuite aux sources bibliques. Selon ce schéma, on pouvait spéculer sur la façon de comprendre et d’appliquer la doctrine à notre époque. La philosophie fournissait l’outil pour cette deuxième opération “spéculative”. La théologie de libération apportait une différence fondamentale dans la manière de faire de la théologie. Tout d’abord, le focus se déplaçait sur la réalité socio-économico-politico-culturelle de notre temps avec l’objectif de ceux qui étaient économiquement pauvres, socialement rejetés et finalement des non-personnes dans la société. C’était la célèbre option pour les pauvres. C’était une option parce qu’elle n’était pas neutre et ne
prétendait pas analyser la société ou la religion dans une perspective neutre et objective. Elle se ralliait à la lutte des pauvres pour une vie décente, la dignité et le respect. Elle n’excluait personne justement parce qu’elle  concernait tous les exclus. Elle voulait une société dans laquelle chacun – et non seulement ceux qui ont la richesse, la puissance et l’influence – ait sa place dans la dignité et le respect. En raison de cette option pour les pauvres, la priorité de l’analyse a été donnée, non pas tellement à la philosophie, mais à ce que pouvaient offrir les sciences sociales : la sociologie, les sciences politiques, les sciences économiques,
l’anthropologie, etc. D’ailleurs cette référence n’intervenait pas à la fin du processus, après avoir établi la doctrine, elle venait au début.

Voir
Le modèle méthodologique de la théologie de libération est enraciné dans les principes de l’action catholique : Voir, juger agir. C’était une nouveauté significative dans la méthodologie théologique. Nous ne commencions pas par des documents d’église ou par l’écriture sainte. Tout d’abord, nous voulions regarder (voir) la société pour voir ce qui s’y passait, pour identifier ceux qui étaient l’objet de notre attention, les pauvres, et plus tard le peuple autochtone, les femmes, les homosexuels etc. Bien plus que
comme des objets, nous voyions comment ils étaient des sujets, des agents de leur propre libération. Nous avons essayé de comprendre la dynamique qui était et est toujours à l’oeuvre pour les soumettre à l’oppression ou les libérer, pour leur donner une place nouvelle dans une nouvelle société. (Rappelez-vous que Gustavo Gutierrez a défini la lutte de l’Amérique latine non pas comme une lutte pour le développement mais plutôt pour la libération de l’oppression. C’était un rapport sociologique, pas
philosophique ni doctrinal.) Il faut redire ici que la première étape dans la libération ou la théologie de
libération ne consiste pas dans une réaffirmation de ce que disent la bible ou les documents officiels de l’église, mais de ce que nous apprenons en regardant soigneusement le monde autour de nous avec les outils que nous offrent les sciences sociales.
Juger
C’est seulement alors que nous passons à la seconde étape qui consiste à “juger”. C’est une étape cruciale et qui n’est pas toujours bien comprise. Dans beaucoup d’exemples de la théologie de libération, ce serait le moment de se tourner vers les sources scripturaires et vers l’enseignement de l’église. Dans certains cas c’est approprié. Mais dans la pratique, et même si ce n’est pas explicitement indiqué, le critère final pour juger la situation des pauvres et des exclus était le principe même de la vie et de l’amour (la
solidarité). Dans la partie appelée “juger”, nous tentio ns de trouver où la vie était menacée ou détruite, où l’amour était trahi ou nourri, et nous effectuions notre jugement sur cette base. Ceci signifiait que nous
cherchions dans l’écriture sainte et dans l’enseignement de l’église les éléments et les perspectives qui pourraient nous aider à comprendre comment nourrir la vie et aimer (solidarité), pour trouver le chemin à suivre. Nous ne choisissions pas nos documents d’écriture sainte ou d’église au petit bonheur. Il y avait un critère fondamental à la base de notre recherche : si cette référence pouvait nourrir la vie des pauvres et des exclus et leur amour, alors nous l’adoptions. Et nous ne prêtions aucune attention aux doctrines, aux perspectives ou aux textes qui s’opposaient à la vie ou à l'amour (solidarité). Mais nous étions souvent tellement sûrs que la bible était une parole de vie et que la mission de l'église était de nourrir la vie, que nous les prenions pour argent comptant. Je souligne ce point parce qu’aujourd'hui nous devons prêter beaucoup d’attention à cette distinction : non, toute religion n’est pas libératrice, tout dans la bible n’est pas
libérateur, toutes les interprétations de nos traditions religieuses ne sont pas libératrices. La théologie de la libération jette un regard très critique sur la religion et ses traditions.
Agir
Enfin, il y a le troisième moment méthodologique : “agir”. La théologie de la libération est un outil pour l’engagement, pour une foi engagée dans le monde et au service de la transformation du monde vers cet “autre monde possible” que la bible appelle le “Royaume de Dieu”. Une théologie de la libération est une théologie en acte. Ce n’est pas suffisant et peut-être aujourd’hui pas très aisé de citer des textes de l’écriture sainte ou de Jésus. Une théologie de la libération, c’est une théologie qui ne prêche pas Jésus mais plutôt la mission et les valeurs et la “cause” de Jésus. Jésus a très peu parlé de lui-même ; il a passé beaucoup de temps à parler du Royaume de Dieu et à faire ce qui pourrait apporter ce Royaume dans la vie des pauvres et des exclus autour de lui. La théologie de la libération, dans sa phase d’ “action” concerne toutes les stratégies à mettre en place pour rendre la vie, la justice, l’amour, la solidarité plus présents dans notre monde. Qu’elle fasse référence ou non aux expressions comme le “Royaume de Dieu”. Ce qui est important n’est pas d’annoncer l’évangile mais de le faire “vivre” dans la vie des gens. Pour cette raison, dans sa phase d’action, la théologie de libération peut fonctionner à l’intérieur ou en dehors du cadre religieux. L’action est basée sur le “juger” et ce jugement, cohérent avec l’évangile, est valable aussi au delà de l’évangile.
Tout ceci me conduit à parler maintenant de quelques nouvelles tendances dans la théologie de la libération. J’ai essayé de décrire la théologie de libération de telle façon que nous puissions appréhender plus facilement ces tendances ou défis.
Le défi du pluralisme
Tout d’abord, et pas simplement en Amérique latine mais sur tous les continents, il y a un appel puissant à utiliser la théologie de libération pour soutenir la réalité du pluralisme et la diversité dans nos sociétés. Une partie de cette diversité est culturelle ou fondée sur le genre et une partie est également religieuse. Les sciences sociales nous apprennent que c’est un phénomène important et assez nouveau dans beaucoup de sociétés et que cela concerne le cadre même de notre coexistence sur la planète. Cela a conduit les théologiens de la libération en Amérique latine à revoir leur regard sur la manière avec laquelle le peuple autochtone et afro-américain a été traité après la conquête espagnole. On a d’abord commencé par
reconnaître que leurs cultures avaient été marginalisées, parfois ridiculisées et souvent éliminées. Un décalage important était nécessaire pour accepter et accompagner les gens dans la réappropriation et l’expression de leurs cultures traditionnelles. Une percée s’est produite quand les indigènes et les
afro-américains se sont emparés de cette lutte pour eux-mêmes. À ce moment, les théologiens de libération ont dû faire leur examen de conscience et s’enquérir également de ce qui était arrivé à la religion quand
les conquérants espagnols sont arrivés. Ils se sont rendus compte que, si l’Amérique latine avait été colonisée, les religions traditionnelles l’avaient été également. Parallèlement à la décolonisation de l’Amérique latine, de l’Afrique et de l’Asie, il faut une décolonisation de la religion. Aujourd’hui
les théologiens s’intéressent sérieusement à cette question.
Pourtant, c’est une question qui va beaucoup plus loin puisqu’elle a mené des théologiens à regarder ce que les anthropologues et les sociologues, sans compter les spécialistes en sciences politiques, avaient dit des
indigènes, des africains, des asiatiques sur les autres continents. Bien plus, nos grandes métropoles nord-américaines et européennes vivent aujourd’hui avec la présence de peuples dont la tradition religieuse n’est
pas du tout celle de notre christianisme occidental. Ils sont musulmans, hindous, bouddhistes, ou athées. Comment allons-nous parler d’eux ?
Certains d’entre eux se trouvent assez isolés, marginalisés et même opprimés dans les sociétés qui les ont reçus en tant qu’immigrés. Plus encore, quand nous regardons les relations entre les pays, nous voyons qu’il y a ceux qui sont “dedans” (les membres de l’OCDE par exemple) et d’autres qui sont tout à fait marginaux (le groupe des 77 par exemple). Nous devons revenir à notre “voir, juger, agir” afin de le retravailler. Nous avons besoin d’une théologie de la libération du pluralisme politique, économique, culturel, et même laïc. Certaines de nos sociétés sont bien embarrassées à tenter de faire des choix : c’est un grand défi pour les théologiens de la libération aujourd’hui.
Le défi planétaire de l’écologie
Il y a un deuxième grand défi pour la théologie de la libération aujourd’hui, celui de développer “une théologie planétaire ”. Ceux qui étaient au Forum Mondial Théologie et Libération savent que ce sujet a été quelque peu négligé et n’a pas obtenu une grande audience chez beaucoup des théologiens présents. C’est comme ça. Je suis l’un de ses défenseurs et je prévois que ce sera un deuxième grand bond en avant de la théologie de la libération. Il y a déjà un certain nombre de théologiens qui travaillent dur
là-dessus. Cette idée d’une “théologie planétaire” doit aussi être comprise avec l’approche du “voir, juger, agir”. L’option pour les pauvres et les exclus demeure. Dans ce cas-ci, le cadre s’est élargi. C’est la vie de la planète elle -même qui est menacée, marginalisée, mise à mal. D’une part, c’est une théologie qui commence à intégrer la perspective écologique, une éco-théologie qui inclut toutes les créatures vivantes, toute la planète et ses composants : mer, air, terre. Cela fait partie du “voir”. Mais les analyses qui précèdent ne sont pas exclues non plus. La vie humaine est toujours une partie de la vie sur notre planète, mais a besoin d’une analyse qui la replace dans son vrai contexte : celui de la planète. Nous sommes des créatures de la terre et nous dépendons d’elle. Nous ne nous comprenons pas complètement si nous sortons de ce contexte. Notre origine est dans l’évolution de la planète et notre destin est inextricablement lié à celui de la planète. Ceci nous mènera à faire notre analyse sociale -culturelle - économique-politique dans un contexte beaucoup plus large et avec beaucoup plus de précision, en gardant toujours à l’esprit l’option pour les pauvres. Nous avons besoin d’une relecture du “voir”. Nous avons besoin également d’une relecture du « juger » parce que ce n’est pas simplement la vie humaine et son bien-être qui est le critère du jugement, mais celui de la planète entière et de tous ses composants. À la base de ceci, il y a la conviction que la “vie” dont nous parlons est celle du tout aussi bien que de ses parties. Ceci rend le travail d’analyse et de discernement beaucoup plus difficile, complexe et sensible. Mais qui a dit que c’était censé être facile ?
L’ “action” également est transformée par notre discernement (jugement) puisque nous devons développer les stratégies qui produisent vraiment “la vie pour tous”. Nous avons besoin de relire nos traditions religieuses, leurs écritures saintes et doctrines dans la lumière globale d’une conscience planétaire qui exige “la vie pour tous” sans exclusions et dans l’attention à ceux qui sont actuellement mis à l’écart. C’est un énorme défi qui se trouve devant nous : rien moins que la transformation du monde, la transformation de notre propre conscience, la transformation de nos sociétés et finalement, la transformation de notre
planète en péril.
Au départ de nos réflexions au Forum Mondial Théologie et Libération, il y avait ce défi, vu selon des perspectives très différentes. Ce que nous réalisons, c’est qu’il touche le désir le plus profond de notre coeur et de notre esprit pour un monde meilleur, pas simplement pour nous-mêmes, mais particulièrement pour ceux qui ont souffert trop longtemps de notre manque d’attention et de sensibilité.
Je reviens au Québec, plus que jamais convaincu qu’il y a une tâche importante devant nous, que nous pouvons commencer maintenant et qui nous mènera loin dans le futur où l’Esprit nous attend.

Richard RENSHAW
traduction : P. Collet

Sunday 11 September 2011

9/11 and the Congo

     Something I heard today and worth repeating:  How is it that the media have been unfurling all the banners they have available to commemorate the tragedy of 9/11--which was a tragic loss of more than 3,000 lives though not for the reasons the media have largely been giving--and yet, and yet, 6 million people have been assassinated in the Democratic Republic of the Congo in the last 10 years, a number approaching that of the holocaust, and hardly a line has been devoted to that. And let it be said clearly: the United States government, knowingly, was responsible for setting up the conditions under which that genocide took place.
     Three years ago I sat in an assembly of the representatives of almost every nation on earth at the United Nations and heard a young woman tell the assembly that more than 600 women were being systematically raped in that war every month.  What has been done?  The Secretary General of the United Nations named Prime Minister Steven Harper to a special UN committee to look into violence against women and children! This is the same government that is subsidizing Canadian companies that are making a fortune pillaging the Congo for its coltan and gold.

Saturday 3 September 2011

What Next for NATO ?

I am a pacifist: militantly so.  Nevertheless, there are moments when my patience runs thin. So….

     For several months NATO has been bombing Libya in an attempt to eradicate the regime of Muammar Khadafy and install a new government, just as it has tried to do also in Afghanistan.  If I understand rightly, the revolt began in Libya among 30% of the population that was cruelly treated by Khadafy. The other 70% had found a way to accommodate itself with the regime. That Khadafy was a dictator, I have no doubt; that he treated the rebellion cruelly is clear.  However, since when does NATO—I speak here of those nations engaged in that military alliance—have the right to go in to “protect the population” against 70% who supported the regime? Whatever…. The effort was successful and now the victors can enjoy the spoils of a country rather rich in oil.   
     NATO may then be wondering where to go next. I have a suggestion: Canada.  Here we have more than 60% of the population strongly opposed to the current regime. If NATO should decide to send in its forces to bomb Parliament Hill and oust the current regime, it would be doing the majority of the population a great favour. It would also be nice if the Canadian forces could contribute to this humanitarian effort by deploying they excellent bombing capability they showed in Libya (and Afghanistan).
     If you need a pretext of abuse of human rights, then there are always those immigrants we keep in prison for years on end without any accusation other than they are a danger to national security, or, even better, those we send to the Afghan or Syrian government or to Guantanamo for torture.
    You are, no doubt aware that Canada has excellent oil, gas and water reserves that could well serve members of NATO—just a little cherry on the sundae for their effort. Well, for the most part, I guess, we just give them all that already.
     In any case, I invite the commander of NATO to consider this option, which fits in well with the general pattern of NATO adventures—oops, I mean missions.  Also, while you are up there flying around, perhaps you could make a little detour and drop a couple of bombs on the Assemblée nationale in Quebec. That way we could all start over fresh: Just a suggestion. 
     But, to be serious, if we were to take seriously--which I don't--the arguments given for NATO's incursion in Libya and all scales taken into account, I think Canada could be presented as a case requiring an intervention.  Of course, that would never fly, for reasons we all know well. Even if we were to consider the real reasons for NATO's incursion--oil, strategic military importance, etc.--Canada could still be a plausible target.  It won't happen because we are all to ready to give the Empire all it wants without a murmur. The day we don't, we could well become a red zone and we all know that too. We are a major world democracy totally dependent on a huge military empire. Go figure! 

If you read French, I strongly recomment Arabesque américaine: Le rôle des États-Unis dans les révoltes de la rue arabe written by Ahmed Bensaada and published by Michel Brulé Press, Montréal, 2011. Without minimizing the courage and importance of the Middle-East Springtime, it is a very different view  that helps put a number of things in perspective. I will, no doubt ,have more to say about this later. In English, a similar thesis is put forward by K.R. Bolton at http://www.globalresearch.ca/index.php?context=va&aid=23282  With all deference to the courage and success of popular movements in the Middle East, what seems to be significant is that an important amount of money and investment in formation was set aside by US interests to prepare leaders for these movements. While the movements may have retained their autonomy, and certainly could not have gone forward without the massive support of the population, the serious question to be raised is to what extent there has been an infiltration of the non-violence movement by official (and "officious") sectors in the United States in a geopolitical move to harness these movements to further US geo-political interests that, ultimately, are not the interest of the populations in the Middle East -- somewhat has happened earlier in Eastern Europe.