Wednesday, 29 October 2014

Demandez aux bestiaux



Il y a quelques jours, à l'invitation de "Terre sacrée", OBLN dévoué aux liens terre et spiritualité, j'ai donné une petite conférence pour aider les gens à participer pleinement dans une activité qui s'appelle "Le Conseil de tous les êtres". Cette activité a été conçu dans les années '80 par John Seed et Joanna Macy (aux États-unis). Je vous offre une version de mon texte.

A few days ago, at the invitation of "Terre sacrée", an organization devoted to the links between earth and spirituality, I gave a small conference to help people participate fully in an activity called "The Council of All Beings" conceived in the '80s by John Seed and Joanna Macy. I offer you a version of my text (still in French). 



Introduction:

Ceiba tree
Le récit classique qui a inspiré historiquement l'imaginaire chrétien à été celui de Genèse. C'était un récit satisfaisant pendant des siècles. Mais tout est changé depuis Darwin.

Je commence avec deux citations. La première de Victor Hugo et l’autre du livre de Job. J’ai trouvé la citation de Victor Hugo dans le nouveau livre de Naomi Klein, This Changes Everything. Avant le premier chapitre on trouve, de Victor Hugo, le texte suivant: « C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas. »

 Job invite aussi ses amis qui l’avaient durement critiqué à chercher le témoignage des animaux :

Interroge pourtant le bétail pour t’instruire,

Les oiseaux du ciel pour t’informer.

Les reptiles du sol te donneront des leçons,

Ils te renseigneront, les poissons des mers.

Car lequel ignore, parmi eux tous,

Que la main de Dieu a fait tout cela !

Il tient en son pouvoir l’âme de tout vivant

Et le souffle de toute chair d’homme.

(Job 12, 7-10, traduction de la Bible de Jérusalem)         



En Michée 6, Dieu convoque les montagnes pour être témoins de ses accusations contre le peuple.

Et, à la fin du livre de Job, c’est Dieu qui fait appel à toute la création, et à tous les créatures, à faire témoignage de sa sagesse.  La première chose dont les animaux nous témoignent c’est qu’ils sont des créatures. On verra comment ça c’est important.

Pour mettre la table,  il faut constater que la culture néo-libérale qui façonne actuellement notre univers économique et politique se base sur une théologie. C’est une fausse théologie qui nous empêche d’établir des relations saines avec ceux et celles qui cohabitent avec nous ce territoire.

Attention : Il faut distinguer ici entre la terre en tant que réalité géographique, le territoire qui est établis par les liens vécus avec une portion de la terre et finalement la question de propriété qui est surtout une question pas d’exclusivité telle que l’économie néolibérale veut nous faire croire sinon de responsabilité. Pour nous mener à accepter la rupture, la idéologie dominante nous propose une théologie de la consommation : nous serons sauvé de tout mal, disent-ils, en acceptant une économie de marché. Pour cette théologie, le territoire que nous habitons n’a aucune sens à part de son utilisation par le marché. Ainsi, nous, les êtres humains, pouvons en profiter à notre gré parce que tout ce que le territoire offre n’a aucune valeur hors du marché.

Écoutons le groupe de théologie contextuelle :

De nos jours, le monde économiquement globalisé apparaît aux investisseurs internationaux comme un vaste espace planétaire uniformisé ou «déterritorialisé», constitué soit de ressources naturelles et humaines à exploiter au plus bas coût possible, soit de marchés à «conquérir». En somme, un espace néocolonial à «re-territorialiser» à leur façon. Plus encore, avec la financiarisation de l’économie, tout n’apparaît que comme des actifs financiers à faire fructifier par des rendements maximaux à court terme. En dehors de ce rapport à l’argent, le reste, même l’économie réelle, les biens, les personnes et les territoires impliqués, tout cela devient abstrait et perd sa spécificité propre. Pour les actionnaires ou leurs courtiers prenant des décisions à des milliers de kilomètres d’ici à propos des investissements miniers au Québec, le sort du territoire ou des populations concernées indiffère autant sinon plus que les Autochtones du temps de la colonisation. (p. 6) …

La fausse sacralisation de la vision décrite ici, avec son corollaire obligé de sacrifices humains et écologiques ne fait-il pas du capitalisme néolibéral une «religion» perverse dans la mesure même où celui-ci se fait inflexible même devant la vie menacée? (Le territoire et nous : Un regard à transformer, p. 9. Voir www.gtcq.blogspot.com)



Élizabeth Johnson, dans un livre qu’elle vient de publier, Ask the Beasts: Darwin and the God of Love[1], nous invite à imaginer un « tangled bank » (le bord d’une petite rivière, plein de verdure, des insectes, des petits animaux). L’image vient de Darwin lui-même et il retourne souvent pour admirer le miracle de l’abondance et de l’interdépendance de la vie qui se trouve dans un petit endroit comme ça. Si la vie est tellement admirable et complexe dans ce petit coin, comment serait l’univers dans sa totalité ?  On peut apprendre beaucoup de notre petit bord de l’eau. Il y a surtout ici des éléments qui parlent de toute l’histoire de l’évolution de la vie et même de l’univers. Ce n’est pas une progression linéaire mais surtout une histoire de complexification dans la communion.

La science traditionnelle se construit à partir des observations qui nous mènent à proposer des lois (de physique, de biologie, etc.). D’un autre côté, la théologie traditionnelle s’établie à partir des déclarations de doctrine suivi des explications rationnelles. Or, chacune de ses deux poursuites ont été transformées par des avances dans la pensée humaine du dernier siècle.

La science fut transformée par une compréhension d’astronomie qui s’élargie pour inclure l’histoire de l’univers, et aussi  par une explication évolutionnaire de la biologie proposée par Darwin et d’autres et finalement par la théorie quantique dans la physique. En théologie, à partir de la recherche des Protestants du 19 siècle - et beaucoup plus tard dans l’Église catholique -  la compréhension des écritures et aussi de la doctrine a été transformé par la critique historique des textes. Vatican II représente un tournant important dans la manière de présenter la théologie. On a commencé à intégrer les études bibliques modernes, une histoire critique de l’Église et ses doctrines et une théologie qui se sert des outils de les études historiques et des sciences sociales et avec certains apports de la philosophie moderne surtout dans le domaine de l’épistémologie (philosophie de la connaissance).  De telle façon, tous les deux, science et théologie, ont fait face à des transformations importants depuis la fin de la 19ième siècle. En conséquence, les deux ont du travail à faire pour tirer les conséquences et le grand public est loin de comprendre les moindres détails de ses défis ! Ce matin on regarde surtout le défi théologique.

Voici une citation de Pape Jean-Paul II que je trouve très pertinente. C’est tiré d’une lettre de Jean-Paul II à Père George Coyne, S.J., Directeur de l’Observatoire du Vatican, en 1988 (La traduction est la mienne) :

« La vitalité et le signifiante de la théologie pour l’humanité seront reflétées profondément par sa capacité d’incorporer ces découverts (de la science). À la mesure que ces découverts deviennent partie de notre culture intellectuelle, les théologiens et théologiennes doivent les étudier et faire la preuve de leur valeur pour aider la croyance chrétienne à découvrir des possibilités pas encore reconnues… C’est urgent…. Inévitablement les chrétiens et chrétiennes vont assimiler les idées courantes au sujet du monde. Aujourd’hui celles-ci sont modelées par la science. La seule question serait si nous le faisons d’une façon critique ou sans réflexion, avec profondeur et nuance ou avec une superficialité qui termine en traire l’Évangile et nous laisse gênés devant l’histoire. » (Johnson, p. 9)



Donc, je propose quelques questions à confronter qui me semblent inéluctables. Je les nomme seulement pour ainsi retourner à les regarder une par une :

Comment est-ce que vous imaginez le Dieu créateur ?

Est-ce que la création a été pour le bien de l’homme ?

Est-ce que Jésus est mort seulement pour les êtres humains ?

Qu’est-ce que la perspective évolutionnaire ajoute à notre théologie?

Est-ce que Dieu intervienne dans l’histoire ?  Comment ?

Si l’évolution implique des nouveaux espèces, comment expliquer la présence du douleur et de la souffrance dans le monde naturel ?

Comment est-ce que notre destin humain est lié à celui de la Terre ?

Est-ce que les animaux sont sauvés par le Christ ?  Et quoi des plantes, de l’aire, de l’eau ?

Quelles sont les conséquences théologiques (éthiques) le l’extinction massive actuelle ?



Ce sont des questions que je propose d’aborder brièvement.

Comment donc imaginer le “Dieu créateur ?

Je suggère qu’on commence en distinguant trois concepts de la théologie de St-Thomas d’Aquin : creatio originalis, , creatio continua et creatio nova. Darwin s’intéressait à la dernière; la science d’aujourd’hui s’intéresse à la première; la clé de tout se trouve dans la deuxième.

Commençons, donc, avec la deuxième. Dieu n’a pas créé le monde pour ensuite l’abandonner à son sort. L’idée de creatio continua  est une affirmation métaphysique : pourquoi est-ce que quelque chose existe ?  Pourquoi est-ce que elle ne tombe pas dans le néant. Il faut le soutien permanent d’un créateur pour qu’elle existe. Je cite une réflexion de Julian de Norwich évoquée par Élizabeth Johnson, Ask the Beasts, pp. 211-212 :

« En ce moment-là, il m’a montré quelque chose tout petit, pas plus grande qu’un petit noix, que j’avais dans la main, ainsi il m’apparait. Et il était rond comme une balle. Je la regardais avec l’œil de ma compréhension et j’ai pensé, Qu’est-ce que ça pourrait être ? J’étais surprise qu’il puisse continuer d’exister puisque j’ai pensé qu’étant si petit il tomberait soudainement dans le néant. Et la réponse m’est venu dans ma compréhension : il perdure et il perdurerait toujours parce que Dieu l’aime. Donc, toute chose à son existence par l’amour de Dieu. » (Traduction libre)



Donc, nous avons une constatation importante que Dieu est toujours présent à sa création, mais pas en tant que dirigeant. Il soutien tout sans dominer ni, à ce niveau, le gérer.  Création est une expression du Créateur, une parole (permanente) de Dieu par l’Esprit de Dieu (amour). Genesis constate la merveille qu’est la création et aussi son abondance. Création est la demeure de Dieu.

La science et la cosmologie modernes nous offrent des nouvelles perspectives à notre théologie. Pour la creatio continua c’est claire que les perspectives démontrent la merveille que c’est l’existence continue de notre univers. Cette affirmation nous mène à poser plusieurs questions théologiques sur la création originale et la création de nouveautés (creatio originalis et creatio nova). Les deux questions demandent aussi une réponse face à la perspective évolutionnaire.

Par exemple, on peut demander ce qu’il y avait avant le Big Bang et comment le Big Bang a commencé.  On pourrait se demander quelles sont les limites de l’univers : Qu’est-ce qu’il y a au-delà de notre univers ?  Se sont des questions de créatio originalis. On pourrait aussi demander comment Dieu intervient dans les processus de notre univers, dans toute l’histoire évolutionnaire.   Là, on passe à la question de creatio nova.  Est-ce qu’il est un Dieu qui décide et dirige chaque étape et même chaque petite altération ? Avant et même pendant la vie de Darwin, c’est exactement ce que pensait les scientifiques. En fait, l’opposition à Darwin venait moins du clergé que des scientifiques et ça par leur acceptation de creatio nova.

Examinons quelques problèmes spéciaux causés par la théorie de l’évolution de notre planète et de l’univers en général.

Est-ce que Dieu intervient dans l’histoire ?

Ici on peut référer à la pensé de Thomas d’Aquin sur la causalité générale et la causalité spéciale.  La causalité générale serait exercé par Dieu dans la creatio continua.  N’importe comment les choses se déroulent, leur existence même est soutenue par un Dieu qui habite cet univers. Il y avait plusieurs théories dernièrement pour expliquer ça. Sally McFage parle de l’univers comme « corps de Dieu ». Dans ce sens, pour elle, Dieu s’incarne dans l’univers.  D’autres parle de « panenthéisme. »  Panenthéisme insiste sur l’idée que Dieu n’est pas distancie de l’univers même s’il n’est pas limité par l’univers. Dieu est partout et toujours totalement présent à tout aspect de l’univers (creatio continua) mais il transcende aussi cet univers. Moi-même et avec Gregory Baum[2], je penche surtout sur le panenthéisme,  On ne parle pas d’intervention dans les processus de l’univers ni de l’évolution sur notre planète. Il est présent à notre univers et le soutient, ce qui n’est pas la même chose que le Déisme ou Dieu crée le monde et ensuite s’absente. Si on tourne donc à la question de la causalité spéciale, on se demande si Dieu intervient pour changer l’évolution de notre univers. Est-ce que c’est par une intervention particulière de Dieu que chaque petite transformation évolutionnaire s’est fait ?  Ou, est-ce que Dieu se limite à une causalité générale qui permet que l’évolution suit son cours ?  Est-ce que Dieu crée un univers de telle façon qu’il établit les dynamiques de base, et ensuite sa présence est limitée à soutenir leur existence ?  C’est la position d’Élizabeth Johnson et plusieurs autres théologiens et théologiennes contemporains.  Donc, avec Darwin, on est tiré à nier la creatio nova.

En acceptant l'évolution, on évoque aussi la question de la douleur et de la mort puisque le changement implique la mort de ce qui précède.

C’est une question que la violence du 20ième siècle a posé en profondeur surtout après l’holocauste. Je commence avec une distinction entre la douleur et la souffrance. La douleur est une question neurologique qui pourrait être à l’origine d’une souffrance. Aux hôpitaux, on fait un effort pour éliminer la douleur physique, mais la souffrance est autre chose. Elle est plutôt une expérience de malaise (même extrême) causé souvent par la douleur mais aussi par d’autres expériences (par exemple la mort d’un proche). Bien sûr, la théologie a beaucoup réfléchi sur la question de la souffrance et de la douleur des êtres humaines - causés surtout par les injustices et la violence. Jésus a vécu la douleur physique aux mains des soldats romains, mais sa souffrance profonde venait de l’expérience de se sentir abandonné, rejeté.

Ici, pourtant, on veut parler en particulier de la douleur qui fait partie du déroulement naturelle de la vie : la mort de toute créature, nous-autres inclus, la chasses des animaux pour de la nourriture, les accidents ou phénomènes naturelles tels que l’éruption des volcans, les tremblements de terres, les tourments, etc.  Souvent, ces douleurs, nous mènent aussi à souffrir. Comment est-ce qu’on on peut parler d’un Dieu bienveillant, plein de compassion, face à des exemples très forts de la violence dans la nature, de la douleur, de la souffrance ?

Je ne propose pas d’offrir une théologie qui résoudre cette question. Ce serait très long et je pense qu’il n’y a pas de consensus sur une telle théologie – au moins actuellement.  Je veux explorer surtout la question de douleur avec vous et surtout je veux reconnaître autre fois l’importance de la distinction entre la causalité générale et spéciale de Dieu.

Commençons avec la mort. Dieu a créé un monde avec des dynamiques extraordinairement merveilleux.  L’évolution de la vie est impossible sans la mort. (L’évolution veut dire changement; changement veut dire mort.) Il faudrait regarder la mort dans un contexte évolutionnaire pour comprendre qu’il y a un logique supérieur qui le guide et que dans ce logique la mort n’est pas un mal absolu si non qu’elle fait partie d’un grand déroulement de diversification inséparable de l’évolution.  On ne parle pas ici de la souffrance ni nécessairement de la douleur. Mais, il s’agit sans doute de la mort. Et cette mort peut facilement impliquer, pour nous, la douleur et même la souffrance.

Aussi, il faut dire que, dans la logique de la vie, la douleur est un facteur important dans la défense de la vie. Que les réponses de douleur neurologique sont très importantes pour nous aider à éviter des dangers. Ceci est vrai pour tout être vivant. Donc la douleur n’est pas un mal absolu non plus. 

On pourrait aussi poser la question de l’extinction des espèces en tant que mal. Il faut dire que 99% de toutes les espèces ont passé à l’extinction et que ça semble être le destin de presque toute espèce. Autre fois, ce qui nous apparaît comme un mal est, dans la perspective, évolutionnaire, une dynamique essentielle.  Cette question vaut aussi pour l’être humain. Dans la dynamique normale de la évolution, il semblerait que notre espèce cour le destin, presque inévitable, d’extinction. (C'est toute autre chose quand l'extinction est causé par l'action irresponsable des êtres humains !) Notre destin dépend de celui de la planète et, à long terme, notre planète va disparaître quand notre soleil termine son évolution. Même si l’être humain est unique dans l’évolution de la vie, nous n’sommes pas indépendants du processus d’évolution de la vie sur la Terre.

Donc, on sépare la question de la souffrance de celle de la douleur et de la mort même si ces deux sont présents dans le contexte de la plus part de la souffrance.  Pour comprendre la souffrance il faut passer à une théologie de la rédemption – je préfère le mot « libération » - c’est-à-dire à une logique capable de tirer du bon, de vie, de liberté, d’une situation de mort et de douleur.

Tournons vers la question de la rédemption (libération) au-delà de la condition humaine. Deux questions :

  Est-ce que l’univers a été créé pour les êtres humains ?

  Est-ce que Jésus est mort pour la salut des êtres humains ?

  Est-ce que la rédemption inclue aussi les animaux ?



La philosophie aristotélicienne, la philosophie traditionnelle de l’Église, entend que l’âme est la forme de matière. Donc, pas de problème à dire que tout être vivant à une âme – même si une certaine tradition – surtout à partir de Descartes -- veut le nier aux animaux.  Il faut regarder l’histoire de l’idée de l’âme. Depuis Descartes on sépare l’âme du corps. Pour la tradition Platonique il y avait aussi cette tendance. Mais pour Aristote, et pour Saint Thomas, l’âme est le forme du corps, que ce soit animal ou être humain, arbre ou autre être vivant. Ce que c’est évident c’est que l’âme d’un animale ou d’une plante est une âme propre à un animale ou à une plante. Ce n’est pas de même qu’une âme humaine. De toute façon, l’âme n’ existe pas sans corps. Et tout être vivant a une âme. Aussi on ne peut pas avoir un corps sans forme. Ce sont deux dimensions de la réalité d’un être. Et toute cette réalité est baignée par l’Esprit de Dieu qui les soutient par son amour.

Donc, tout être vivant (c’est-à-dire : avec âme) est inclue dans la mission salvatrice du Christ. Elles seront « sauvées », c’est-à-dire transfigurés, ressuscités,  libérées puisque, pour Paul, Jésus est venu libérer tout l’univers. Mais, de quoi ? Du péché ?  Les animaux, les arbres, les poissons, les oiseaux, les fleuves et les eaux n’ont pas péché. Pourtant, Ils ont souffert, de nos jours, des conséquences des péchés humains. C’est pour ça que je préfère parler de « transfiguration »  plutôt que de résurrection et de libération plutôt que de rédemption.  L’univers sera transfiguré pour montrer la grandeur, l’amour, la fidélité de Dieu.  La création sera libérée de tout ce qui limite la plénitude de son destin, libérée pour que sa vie en Dieu soit transparente. Dieu sera tout en tout, selon l’expression de Paul. Ici les mots de Teilhard de Chardin viennent de trouver tout leur sens.

La création est œuvre de la Parole. Jean l’identifie avec le Christ. C’est présenté en Genèse comme œuvre aussi de tendresse envers tout ce qui émerge. Dieu confie tout à l’être humain. Tout est là, en abondance, pour satisfaire ses besoins. C’est un don gratuit mais qui implique des responsabilités. Tout de suite après, commence une longue histoire de la préoccupation de Dieu pour ceux et celles qui sont empêchés dans leur quête de paix et plénitude. Dieu se manifeste comme libérateur et il fait alliance. 

Écoutons le Groupe de théologie contextuelle:

Il faudra vaincre l’idolâtrie de l’argent et de la puissance pour faire prévaloir le droit à la  vie. Ces législations exprimeront une tentative collective et structurelle par Israël  d’être à la hauteur de l’Alliance et du Dieu libérateur, de tenir parole en réponse à celle de son Dieu. Le rapport au territoire et la relation à ce Dieu sont intimement liés. 

Cette histoire de fidélité et d’infidélité à une Alliance s’inscrit d’abord dans le cadre juridique d’un pacte entraînant des droits et des devoirs réciproques. Il ne s’agit pas ici d’une alliance entre égaux : c’est Dieu qui l’accorde librement et qui en dicte les conditions. Progressivement, l’Alliance passera à un projet de communion, à une relation d’amour entre Israël et son Dieu, faisant appel à la fidélité comme entre un pasteur et son troupeau, un vigneron et sa vigne, un père et son fils, un époux et son épouse. Après les épreuves nationales qui résulteront des trahisons répétées d’Israël (ruine de Jérusalem, exil, dispersion), Yahvé maintiendra sa promesse et élargira même son alliance à la création entière, en y incluant « les bêtes des champs, les oiseaux du ciel et les reptiles du sol». Les cœurs seront changés. Une Alliance nouvelle, à la fois intérieure et universelle, fera suite à l’ancienne, par la médiation du Serviteur de Yahvé auquel Jésus s’identifiera à la veille de sa Passion. (Le territoire et nous : Un regard à transformer. Voir www.gtcq.blogspot.com)



Dans le Deuxième ou Nouveau Testament, cette perspective est confirmée et même élargi. Le Groupe de théologie contextuelle nous dit :

 L’inclusion de tout l’univers créé dans le projet d’Alliance universelle est confirmée dans la pratique, la prédication et le destin de Jésus. En premier lieu, son appartenance au territoire de la Galilée, avec son caractère propre, son histoire et sa culture, lui a appris la grandeur et la misère de la condition humaine et a nourri son imaginaire et sa familiarité avec les éléments de l’univers. Jésus  manifeste une grande sensibilité pour son peuple et pour sa terre. Ses paraboles invitent à lire la Parole de Dieu dans la semence, le sol, les arbres, les oiseaux du ciel, le vent et toute la nature. Il nous invite à voir la présence de Dieu dans le pain et le vin partagés, « fruits de la terre et du travail humain », signes de la vie donnée. Il se fait solidaire des appauvris dans de ce coin perdu de l’Empire romain, à l’encontre de l’élite judéenne et des autorités du Temple qui les méprisent. 

Ce Jésus est identifié par le Nouveau Testament au Verbe en qui Dieu a créé le monde. Sa résurrection a une fécondité universelle, à la fois pour l’humanité et pour la création. Elle accomplit la promesse d’une nouvelle alliance qui change le cœur des humains et leur donne l’Esprit de Dieu, qui atteint toutes les nations en brisant les murs de la division, en établissant la paix entre «ceux qui étaient loin et ceux qui étaient proches», et en réconciliant tout « sur la terre et dans les cieux ». Comme l’humanité, la création est appelée à la réconciliation, au salut, à la rédemption. Le même Esprit qui a animé Jésus et l’a fait Seigneur et Christ est présent dans la création, comme ferment de rassemblement des humains dispersés et d’achèvement d’une nature malmenée. (p. 19. Ibid.)



Considérations éthiques : Le contexte actuelle de l’histoire montre bien clair que nous sommes devant un crise existentiel du survie des espèces vivantes sur le planète – et surtout, éventuellement, de l’espèce humaine. Ici, aussi, il y a une dimension théologique. Nos actions d’indifférence aux besoins de la planète mettent en danger notre survie et aussi la survie de la majorité des espèces actuelles. Il faudrait mettre tout ça dans le contexte de la volonté libératrice, transfiguratrice, de Dieu et dans le contexte de l’invitation de Dieu à participer à la nouvelle création. Si nous manquons notre vocation, Dieu reste fidèle et nous sommes les perdants.

Donc il faudrait éviter toute arrogance devant la vie du territoire autour de nous. Il faut absolument inclure la création dans le projet divin de réconciliation, avec respect et un amour profond. Il faudrait retourner à nos origines profondes dans l’acte créateur d’un Dieu qui nous aiment tous et toutes.  Il faut retrouver le chemin de l’alliance que Dieu a fait avec son univers.

Je terminerai en insistant que les animaux et les plantes, les poissons et les oiseaux forment part de cette grande aventure de l’évolution, libération, transfiguration de la vie sur la planète.  Dieu nous met devant le mystère de sa création et nous invite à devenir partie prenant au service de cette histoire de diversification en communauté,  d’une transparence devant son grandeur.  C’est une grande responsabilité. Notre planète est - et nous sommes - en crise.  Jamais depuis des siècles il n’y a tant de raison pour rebeller contre le système qui est en train de nous détruire. Jamais il n’y avait plus de raison pour s’engager à des changements profonds, de tourner vers une économie et une politique qui pourrait assurer une meilleure vie pour nous et pour les générations à venir. On lutte pour la bonne alimentation, pour une aire pure, pour de l’eau pure, pour du travail digne qui contribue à la société. Si nous nous orientons par la tradition chrétienne, notre premier pas vers la réconciliation sera l’écoute profonde de ces sœurs et frères qui nous entourent. Ils font aussi parti de la création aimé par Dieu, libérée par le Christ et appelée à partager le grand Royaume qu’il prépare. Nous sommes leurs sœurs et frères et nous avons une grande responsabilité de les soutenir, encore plus que c’est grâce à eux que nous avons des conditions de vie.



[1] Bloomsbury, 2014.
[2] Truth and Relevance : Catholic Theology in French Quebec since the Quiet Revolution, McGill-Queen’s University Press, 2014. Une traduction en français est en preparation.

Sunday, 14 September 2014

Mystery at the core of existence

There is a deep mystery present in every creature on the planet that holds, supports and sustains its existence. That mystery extends back to the very beginning of the universe and holds true to its ultimate end. Our covenant with that mystery gives us reasons to hope that, as it began and
is, so also will it be at the end. We are always and forever in its loving embrace.

Monday, 8 September 2014

The Dance



Algonquin traditional dancer

One of the fundamental dimensions of our commitment to justice in the world is that of integrating the various elements of ourselves in that struggle. The practice of Aboriginal people could be helpful here. We begin with a celebration of life and thus a deep engagement with life: all life, all the life around us, all the life that sustains us and of which we are an interdependent part. When Aboriginal people gather there is always dance. Dance is central to the engagement with life.
Dance involves three dimensions.
There is first of all the music that flows through our bodies and touches our heart. Music energizes. It is central to all social struggles and our capacity to engage with music in our struggles and our gatherings is therefore of great importance, as so many social struggles have shown. 
Along with music there are words, usually very poetic words. Words are important; they engage also our minds. They call us to critical thinking, to getting our heads around the complex dynamics at work in society; the words help us name things as they are and to discover what needs to be done.
Most of all we need to integrate our minds and our hearts. There are, in Aboriginal culture, two ways of knowing: that of the mind and that of the heart. We can know with our mind, we can develop analyses. We can know with our heart and let our heart lead us. However, in Aboriginal thinking knowing, whether of the mind or of the heart, does not become an engaging truth until the two, mind and heart, are integrated. From that integration flows a purity and simplicity of mind and heart that is very powerful.
Music has words but eventually we have to dance: to move our feet, to locate ourselves in face of the struggle and to engage our bodies. Without that we have only pious intentions. Ultimately it is the integration of mind, heart and feet that make the dance as it is also the mind, heart and feet that makes us social actors capable of changing society.
There is also a pedagogy to the process of this integration: We begin by standing up, placing our feet beneath us, standing on the ground where the struggle is happening. We stand together and we begin to listen to the music until it touches our heart. If we do not love, we cannot act. If we are not moved in our hearts, we will never dance. Then, as the music beings, we hear the words, we sing the words, we make those words our own. Through the music we begin to feel the power and truth of those words. We allow the music and its words to sink into our bodies until they reach our feet and we begin to move – together. A movement is born.