Il y a quelques jours, à l'invitation de "Terre sacrée", OBLN dévoué aux liens terre et spiritualité, j'ai donné une petite conférence pour aider les gens à participer pleinement dans une activité qui s'appelle "Le Conseil de tous les êtres". Cette activité a été conçu dans les années '80 par John Seed et Joanna Macy (aux États-unis). Je vous offre une version de mon texte.
A few days ago, at the invitation of "Terre sacrée", an organization devoted to the links between earth and spirituality, I gave a small conference to help people participate fully in an activity called "The Council of All Beings" conceived in the '80s by John Seed and Joanna Macy. I offer you a version of my text (still in French).
Introduction:
Ceiba tree |
Le récit classique qui a
inspiré historiquement l'imaginaire chrétien à été celui de Genèse. C'était un
récit satisfaisant pendant des siècles. Mais tout est changé depuis Darwin.
Je commence avec deux citations. La première de Victor Hugo
et l’autre du livre de Job. J’ai trouvé la citation de Victor Hugo dans le
nouveau livre de Naomi Klein, This
Changes Everything. Avant le premier chapitre on trouve, de Victor Hugo, le
texte suivant: « C’est une triste chose de songer que la nature parle
et que le genre humain n’écoute pas. »
Job invite aussi ses
amis qui l’avaient durement critiqué à chercher le témoignage des
animaux :
Interroge pourtant le bétail pour
t’instruire,
Les oiseaux du ciel pour
t’informer.
Les reptiles du sol te donneront
des leçons,
Ils te renseigneront, les poissons
des mers.
Car lequel ignore, parmi eux tous,
Que la main de Dieu a fait tout
cela !
Il tient en son pouvoir l’âme de
tout vivant
Et le souffle de toute chair
d’homme.
(Job 12, 7-10, traduction de la Bible
de Jérusalem)
En Michée 6, Dieu convoque les montagnes pour être témoins de
ses accusations contre le peuple.
Et, à la fin du livre de Job, c’est Dieu qui fait appel à
toute la création, et à tous les créatures, à faire témoignage de sa
sagesse. La première chose dont les
animaux nous témoignent c’est qu’ils sont des créatures. On verra comment ça
c’est important.
Pour mettre la table, il faut constater que la culture néo-libérale
qui façonne actuellement notre univers économique et politique se base sur une
théologie. C’est une fausse théologie qui nous empêche d’établir des relations
saines avec ceux et celles qui cohabitent avec nous ce territoire.
Attention : Il faut distinguer ici entre la terre en
tant que réalité géographique, le territoire qui est établis par les liens
vécus avec une portion de la terre et finalement la question de propriété qui
est surtout une question pas d’exclusivité telle que l’économie néolibérale
veut nous faire croire sinon de responsabilité. Pour nous mener à accepter la
rupture, la idéologie dominante nous propose une théologie de la
consommation : nous serons sauvé de tout mal, disent-ils, en acceptant une
économie de marché. Pour cette théologie, le territoire que nous habitons n’a
aucune sens à part de son utilisation par le marché. Ainsi, nous, les êtres
humains, pouvons en profiter à notre gré parce que tout ce que le territoire
offre n’a aucune valeur hors du marché.
Écoutons le groupe de théologie contextuelle :
De nos jours, le monde économiquement globalisé
apparaît aux investisseurs internationaux comme un vaste espace planétaire
uniformisé ou «déterritorialisé», constitué soit de ressources naturelles et
humaines à exploiter au plus bas coût possible, soit de marchés à «conquérir».
En somme, un espace néocolonial à «re-territorialiser» à leur façon. Plus
encore, avec la financiarisation de l’économie, tout n’apparaît que comme des
actifs financiers à faire fructifier par des rendements maximaux à court terme. En
dehors de ce rapport à l’argent, le reste, même l’économie réelle, les biens,
les personnes et les territoires impliqués, tout cela devient abstrait et perd
sa spécificité propre. Pour les actionnaires ou leurs courtiers prenant des
décisions à des milliers de kilomètres d’ici à propos des investissements
miniers au Québec, le sort du territoire ou des populations concernées
indiffère autant sinon plus que les Autochtones du temps de la colonisation.
(p. 6) …
La fausse sacralisation de la vision décrite ici, avec son corollaire
obligé de sacrifices humains et écologiques ne fait-il pas du capitalisme
néolibéral une «religion» perverse dans la mesure même où celui-ci se fait
inflexible même devant la vie menacée? (Le territoire et nous : Un regard à
transformer, p. 9. Voir www.gtcq.blogspot.com)
Élizabeth Johnson, dans un livre qu’elle vient de publier, Ask the Beasts: Darwin and the God of Love[1], nous
invite à imaginer un « tangled bank » (le bord d’une petite rivière,
plein de verdure, des insectes, des petits animaux). L’image vient de Darwin
lui-même et il retourne souvent pour admirer le miracle de l’abondance et de
l’interdépendance de la vie qui se trouve dans un petit endroit comme ça. Si la
vie est tellement admirable et complexe dans ce petit coin, comment serait
l’univers dans sa totalité ? On peut
apprendre beaucoup de notre petit bord de l’eau. Il y a surtout ici des
éléments qui parlent de toute l’histoire de l’évolution de la vie et même de
l’univers. Ce n’est pas une progression linéaire mais surtout une histoire de
complexification dans la communion.
La science traditionnelle se construit à partir des
observations qui nous mènent à proposer des lois (de physique, de biologie,
etc.). D’un autre côté, la théologie traditionnelle s’établie à partir des
déclarations de doctrine suivi des explications rationnelles. Or, chacune de
ses deux poursuites ont été transformées par des avances dans la pensée humaine
du dernier siècle.
La science fut transformée par une compréhension d’astronomie
qui s’élargie pour inclure l’histoire de l’univers, et aussi par une explication
évolutionnaire de la biologie proposée par Darwin et d’autres et finalement par la théorie quantique dans la physique. En
théologie, à partir de la recherche des Protestants du 19 siècle - et beaucoup
plus tard dans l’Église catholique - la
compréhension des écritures et aussi de la doctrine a été transformé par la
critique historique des textes. Vatican II représente un tournant important
dans la manière de présenter la théologie. On a commencé à intégrer les études
bibliques modernes, une histoire critique de l’Église et ses doctrines et une
théologie qui se sert des outils de les études historiques et des sciences
sociales et avec certains apports de la philosophie moderne surtout dans le
domaine de l’épistémologie (philosophie de la connaissance). De telle façon, tous les deux, science et
théologie, ont fait face à des transformations importants depuis la fin de la 19ième siècle. En
conséquence, les deux ont du travail à faire pour tirer les conséquences et le
grand public est loin de comprendre les moindres détails de ses défis ! Ce
matin on regarde surtout le défi théologique.
Voici une citation de Pape Jean-Paul II que je trouve très
pertinente. C’est tiré d’une lettre de Jean-Paul II à Père George Coyne, S.J.,
Directeur de l’Observatoire du Vatican, en 1988 (La traduction est la
mienne) :
« La vitalité et le
signifiante de la théologie pour l’humanité seront reflétées profondément par
sa capacité d’incorporer ces découverts (de la science). À la mesure que ces
découverts deviennent partie de notre culture intellectuelle, les théologiens
et théologiennes doivent les étudier et faire la preuve de leur valeur pour
aider la croyance chrétienne à découvrir des possibilités pas encore reconnues…
C’est urgent…. Inévitablement les chrétiens et chrétiennes vont assimiler les
idées courantes au sujet du monde. Aujourd’hui celles-ci sont modelées par la
science. La seule question serait si nous le faisons d’une façon critique ou
sans réflexion, avec profondeur et nuance ou avec une superficialité qui
termine en traire l’Évangile et nous laisse gênés devant l’histoire. » (Johnson, p. 9)
Donc, je propose quelques questions à confronter qui me
semblent inéluctables. Je les nomme seulement pour ainsi retourner à les
regarder une par une :
Comment est-ce que vous
imaginez le Dieu créateur ?
Est-ce que la création a été
pour le bien de l’homme ?
Est-ce que Jésus est mort
seulement pour les êtres humains ?
Qu’est-ce que la perspective
évolutionnaire ajoute à notre théologie?
Est-ce que Dieu intervienne
dans l’histoire ? Comment ?
Si l’évolution implique des
nouveaux espèces, comment expliquer la présence du douleur et de la souffrance
dans le monde naturel ?
Comment est-ce que notre
destin humain est lié à celui de la Terre ?
Est-ce que les animaux sont
sauvés par le Christ ? Et quoi des plantes, de l’aire, de l’eau ?
Quelles sont les conséquences
théologiques (éthiques) le l’extinction massive actuelle ?
Ce sont des questions que je propose d’aborder brièvement.
Comment donc imaginer le “Dieu créateur ?
Je suggère qu’on commence en distinguant trois concepts de la
théologie de St-Thomas d’Aquin : creatio
originalis, , creatio continua et creatio nova. Darwin s’intéressait à la
dernière; la science d’aujourd’hui s’intéresse à la première; la clé de tout se
trouve dans la deuxième.
Commençons, donc, avec la deuxième. Dieu n’a pas créé le
monde pour ensuite l’abandonner à son sort. L’idée de creatio continua est une
affirmation métaphysique : pourquoi est-ce que quelque chose existe ? Pourquoi est-ce que elle ne tombe pas dans le
néant. Il faut le soutien permanent d’un créateur pour qu’elle existe. Je cite
une réflexion de Julian de Norwich évoquée par Élizabeth Johnson, Ask the Beasts, pp. 211-212 :
« En ce moment-là, il m’a
montré quelque chose tout petit, pas plus grande qu’un petit noix, que j’avais
dans la main, ainsi il m’apparait. Et il était rond comme une balle. Je la
regardais avec l’œil de ma compréhension et j’ai pensé, Qu’est-ce que ça
pourrait être ? J’étais surprise qu’il puisse continuer d’exister puisque j’ai
pensé qu’étant si petit il tomberait soudainement dans le néant. Et la réponse
m’est venu dans ma compréhension : il perdure et il perdurerait toujours
parce que Dieu l’aime. Donc, toute chose à son existence par l’amour de
Dieu. » (Traduction libre)
Donc, nous avons une constatation importante que Dieu est
toujours présent à sa création, mais pas en tant que dirigeant. Il soutien tout
sans dominer ni, à ce niveau, le gérer.
Création est une expression du Créateur, une parole (permanente) de Dieu par l’Esprit de Dieu (amour). Genesis constate la
merveille qu’est la création et aussi son abondance. Création est la demeure de
Dieu.
La science et la cosmologie modernes nous offrent des
nouvelles perspectives à notre théologie. Pour la creatio continua c’est claire que les
perspectives démontrent la merveille que c’est l’existence continue de notre
univers. Cette affirmation nous mène à poser plusieurs questions théologiques
sur la création originale et la création de nouveautés (creatio originalis et creatio
nova). Les deux questions demandent aussi une réponse face à la perspective
évolutionnaire.
Par exemple, on peut demander ce qu’il y avait avant le Big
Bang et comment le Big Bang a commencé.
On pourrait se demander quelles sont les limites de l’univers :
Qu’est-ce qu’il y a au-delà de notre univers ?
Se sont des questions de créatio
originalis. On pourrait aussi demander comment Dieu intervient dans les
processus de notre univers, dans toute l’histoire évolutionnaire. Là, on passe à la question de creatio nova. Est-ce qu’il est un Dieu qui décide et dirige
chaque étape et même chaque petite altération ? Avant et même pendant la vie de
Darwin, c’est exactement ce que pensait les scientifiques. En fait, l’opposition
à Darwin venait moins du clergé que des scientifiques et ça par leur
acceptation de creatio nova.
Examinons quelques problèmes spéciaux causés par la théorie
de l’évolution de notre planète et de l’univers en général.
Est-ce que Dieu intervient dans l’histoire ?
Ici on peut référer à la pensé de Thomas d’Aquin sur la causalité générale et la causalité spéciale. La causalité générale serait exercé par Dieu
dans la creatio continua. N’importe comment les choses se déroulent,
leur existence même est soutenue par un Dieu qui habite cet univers. Il y avait
plusieurs théories dernièrement pour expliquer ça. Sally McFage parle de
l’univers comme « corps de Dieu ». Dans ce sens, pour elle, Dieu
s’incarne dans l’univers. D’autres parle
de « panenthéisme. »
Panenthéisme insiste sur l’idée que Dieu n’est pas distancie de l’univers même s’il n’est pas limité par
l’univers. Dieu est partout et toujours totalement présent à tout aspect de
l’univers (creatio continua) mais il
transcende aussi cet univers. Moi-même et avec Gregory Baum[2],
je penche surtout sur le panenthéisme,
On ne parle pas d’intervention dans les processus de l’univers ni de
l’évolution sur notre planète. Il est présent à notre univers et le soutient,
ce qui n’est pas la même chose que le Déisme ou Dieu crée le monde et ensuite
s’absente. Si on tourne donc à la
question de la causalité spéciale, on se demande si Dieu intervient pour
changer l’évolution de notre
univers. Est-ce que c’est par une intervention particulière de Dieu que chaque
petite transformation évolutionnaire s’est fait ? Ou, est-ce que Dieu se limite à une causalité
générale qui permet que l’évolution suit son cours ? Est-ce que Dieu crée un univers de telle
façon qu’il établit les dynamiques de base, et ensuite sa présence est limitée
à soutenir leur existence ? C’est la
position d’Élizabeth Johnson et plusieurs autres théologiens et théologiennes
contemporains. Donc, avec Darwin, on est
tiré à nier la creatio nova.
En acceptant l'évolution, on évoque
aussi la question de la douleur et de la mort puisque le changement implique la
mort de ce qui précède.
C’est une question que la violence du 20ième siècle a posé en
profondeur surtout après l’holocauste. Je commence avec une distinction entre la
douleur et la souffrance. La douleur est une question neurologique qui pourrait
être à l’origine d’une souffrance. Aux
hôpitaux, on fait un effort pour éliminer la douleur physique, mais la
souffrance est autre chose. Elle est plutôt une expérience de malaise (même
extrême) causé souvent par la douleur mais aussi par d’autres expériences (par
exemple la mort d’un proche). Bien sûr, la théologie a beaucoup réfléchi sur la
question de la souffrance et de la douleur des êtres humaines - causés surtout
par les injustices et la violence. Jésus a vécu la douleur physique aux mains
des soldats romains, mais sa souffrance profonde venait de l’expérience de se
sentir abandonné, rejeté.
Ici, pourtant, on veut parler en particulier de la douleur
qui fait partie du déroulement naturelle de la vie : la mort de toute
créature, nous-autres inclus, la chasses des animaux pour de la nourriture, les
accidents ou phénomènes naturelles tels que l’éruption des volcans, les
tremblements de terres, les tourments, etc.
Souvent, ces douleurs, nous mènent aussi à souffrir. Comment est-ce
qu’on on peut parler d’un Dieu bienveillant, plein de compassion, face à des
exemples très forts de la violence dans la nature, de la douleur, de la
souffrance ?
Je ne propose pas d’offrir une théologie qui résoudre cette question.
Ce serait très long et je pense qu’il n’y a pas de consensus sur une telle
théologie – au moins actuellement. Je
veux explorer surtout la question de douleur avec vous et surtout je veux
reconnaître autre fois l’importance de la distinction entre la causalité
générale et spéciale de Dieu.
Commençons avec la mort. Dieu a créé un monde avec des
dynamiques extraordinairement merveilleux.
L’évolution de la vie est impossible sans la mort. (L’évolution veut
dire changement; changement veut dire mort.) Il faudrait regarder la mort dans
un contexte évolutionnaire pour comprendre qu’il y a un logique supérieur qui
le guide et que dans ce logique la mort n’est pas un mal absolu si non qu’elle
fait partie d’un grand déroulement de diversification inséparable de
l’évolution. On ne parle pas ici de la
souffrance ni nécessairement de la douleur. Mais, il s’agit sans doute de la
mort. Et cette mort peut facilement impliquer, pour nous, la douleur et même la
souffrance.
Aussi, il faut dire que, dans la logique de la vie, la
douleur est un facteur important dans la défense de la vie. Que les réponses de
douleur neurologique sont très importantes pour nous aider à éviter des
dangers. Ceci est vrai pour tout être vivant. Donc la douleur n’est pas un mal
absolu non plus.
On pourrait aussi poser la question de l’extinction des
espèces en tant que mal. Il faut dire que 99% de toutes les espèces ont passé à
l’extinction et que ça semble être le destin de presque toute espèce. Autre
fois, ce qui nous apparaît comme un mal est, dans la perspective,
évolutionnaire, une dynamique essentielle.
Cette question vaut aussi pour l’être humain. Dans la dynamique normale
de la évolution, il semblerait que notre espèce cour le destin, presque
inévitable, d’extinction. (C'est toute
autre chose quand l'extinction est causé par l'action irresponsable des êtres
humains !) Notre destin dépend de celui de la
planète et, à long terme, notre planète va disparaître quand notre soleil
termine son évolution. Même si l’être humain est unique dans
l’évolution de la vie, nous n’sommes pas indépendants du processus d’évolution
de la vie sur la Terre.
Donc, on sépare la question de la souffrance de celle de la
douleur et de la mort même si ces deux sont présents dans le
contexte de la plus part de la souffrance.
Pour comprendre la souffrance il faut passer à une théologie de la
rédemption – je préfère le mot « libération » - c’est-à-dire à une
logique capable de tirer du bon, de vie, de liberté, d’une situation de mort et
de douleur.
Tournons vers la question de la rédemption (libération)
au-delà de la condition humaine. Deux questions :
Est-ce que l’univers a été créé pour les
êtres humains ?
Est-ce que Jésus est mort pour la salut des
êtres humains ?
Est-ce que la rédemption inclue aussi les
animaux ?
La philosophie aristotélicienne, la philosophie
traditionnelle de l’Église, entend que l’âme est la forme de matière. Donc, pas
de problème à dire que tout être vivant à une âme – même si une certaine
tradition – surtout à partir de Descartes -- veut le nier aux animaux. Il faut regarder l’histoire de l’idée de
l’âme. Depuis Descartes on sépare l’âme du corps. Pour la tradition Platonique
il y avait aussi cette tendance. Mais pour Aristote, et pour Saint Thomas,
l’âme est le forme du corps, que ce soit animal ou être humain, arbre ou autre
être vivant. Ce que c’est évident c’est que l’âme d’un animale ou d’une plante
est une âme propre à un animale ou à une plante. Ce n’est pas de même qu’une
âme humaine. De toute façon, l’âme n’ existe pas sans corps.
Et tout être vivant a une âme. Aussi on ne
peut pas avoir un corps sans forme. Ce sont deux dimensions de la réalité d’un
être. Et toute cette réalité est baignée par l’Esprit de Dieu qui les soutient
par son amour.
Donc, tout être vivant (c’est-à-dire : avec âme) est
inclue dans la mission salvatrice du Christ. Elles seront
« sauvées », c’est-à-dire transfigurés, ressuscités, libérées puisque, pour Paul, Jésus est venu
libérer tout l’univers. Mais, de quoi ? Du péché ? Les animaux, les arbres, les poissons, les
oiseaux, les fleuves et les eaux n’ont pas péché. Pourtant, Ils ont souffert,
de nos jours, des conséquences des péchés humains. C’est pour ça que je préfère
parler de « transfiguration »
plutôt que de résurrection et de libération plutôt que de
rédemption. L’univers sera transfiguré
pour montrer la grandeur, l’amour, la fidélité de Dieu. La création sera libérée de tout ce qui
limite la plénitude de son destin, libérée pour que sa vie en Dieu soit
transparente. Dieu sera tout en tout, selon l’expression de Paul. Ici les mots
de Teilhard de Chardin viennent de trouver tout leur sens.
La création est œuvre de la Parole. Jean l’identifie avec le
Christ. C’est présenté en Genèse comme œuvre aussi de tendresse envers tout ce qui
émerge. Dieu confie tout à l’être humain. Tout est là, en abondance, pour
satisfaire ses besoins. C’est un don gratuit mais qui implique des
responsabilités. Tout de suite après, commence une longue histoire de la
préoccupation de Dieu pour ceux et celles qui sont empêchés dans leur quête de
paix et plénitude. Dieu se manifeste comme libérateur et il fait alliance.
Écoutons le Groupe de théologie contextuelle:
Il faudra vaincre l’idolâtrie de
l’argent et de la puissance pour faire prévaloir le droit à la vie. Ces législations exprimeront une
tentative collective et structurelle par Israël
d’être à la hauteur de l’Alliance et du Dieu libérateur, de tenir parole
en réponse à celle de son Dieu. Le rapport au territoire et la relation à ce
Dieu sont intimement liés.
Cette histoire de fidélité et
d’infidélité à une Alliance s’inscrit d’abord dans le cadre juridique d’un
pacte entraînant des droits et des devoirs réciproques. Il ne s’agit pas ici
d’une alliance entre égaux : c’est Dieu qui l’accorde librement et qui en
dicte les conditions. Progressivement, l’Alliance passera à un projet de
communion, à une relation d’amour entre Israël et son Dieu, faisant appel à la
fidélité comme entre un pasteur et son troupeau, un vigneron et sa vigne, un
père et son fils, un époux et son épouse. Après les épreuves nationales qui
résulteront des trahisons répétées d’Israël (ruine de Jérusalem, exil,
dispersion), Yahvé maintiendra sa promesse et élargira même son alliance à la
création entière, en y incluant « les bêtes des champs, les oiseaux du ciel et
les reptiles du sol». Les cœurs seront changés. Une Alliance nouvelle, à la
fois intérieure et universelle, fera suite à l’ancienne, par la médiation du
Serviteur de Yahvé auquel Jésus s’identifiera à la veille de sa Passion. (Le territoire et
nous : Un regard à transformer. Voir www.gtcq.blogspot.com)
Dans le Deuxième ou Nouveau
Testament, cette perspective est confirmée et même élargi. Le Groupe de
théologie contextuelle nous dit :
L’inclusion de tout l’univers créé dans le
projet d’Alliance universelle est confirmée dans la pratique, la prédication et
le destin de Jésus. En premier lieu, son appartenance au territoire de la
Galilée, avec son caractère propre, son histoire et sa culture, lui a appris la
grandeur et la misère de la condition humaine et a nourri son imaginaire et sa familiarité avec
les éléments de l’univers. Jésus
manifeste une grande sensibilité pour son peuple et pour sa terre. Ses
paraboles invitent à lire la Parole de Dieu dans la semence, le sol, les
arbres, les oiseaux du ciel, le vent et toute la nature. Il nous invite à voir
la présence de Dieu dans le pain et le vin partagés, « fruits de la terre et du
travail humain », signes de la vie donnée. Il se fait solidaire des appauvris
dans de ce coin perdu de l’Empire romain, à l’encontre de l’élite judéenne et
des autorités du Temple qui les méprisent.
Ce Jésus est identifié par le
Nouveau Testament au Verbe en qui Dieu a créé le monde. Sa résurrection a une
fécondité universelle, à la fois pour l’humanité et pour la création. Elle accomplit
la promesse d’une nouvelle alliance qui change le cœur des humains et leur
donne l’Esprit de Dieu, qui atteint toutes les nations en brisant les murs de
la division, en établissant la paix entre «ceux qui étaient loin et ceux qui
étaient proches», et en réconciliant tout « sur la terre et dans les cieux ».
Comme l’humanité, la création est appelée à la réconciliation, au salut, à la
rédemption. Le même Esprit qui a animé Jésus et l’a fait Seigneur et Christ est
présent dans la création, comme ferment de rassemblement des humains dispersés
et d’achèvement d’une nature malmenée. (p. 19. Ibid.)
Considérations
éthiques : Le contexte actuelle de l’histoire montre bien clair que
nous sommes devant un crise existentiel du survie des espèces vivantes sur le
planète – et surtout, éventuellement, de l’espèce humaine. Ici, aussi, il y a
une dimension théologique. Nos actions d’indifférence aux besoins de la planète
mettent en danger notre survie et aussi la survie de la majorité des espèces
actuelles. Il faudrait mettre tout ça dans le contexte de la volonté
libératrice, transfiguratrice, de Dieu et dans le contexte de l’invitation de
Dieu à participer à la nouvelle création. Si nous manquons notre vocation, Dieu
reste fidèle et nous sommes les perdants.
Donc il faudrait éviter toute arrogance devant la vie du
territoire autour de nous. Il faut absolument inclure la création dans le
projet divin de réconciliation, avec respect et un amour profond. Il faudrait
retourner à nos origines profondes dans l’acte créateur d’un Dieu qui nous
aiment tous et toutes. Il faut retrouver le chemin de l’alliance que
Dieu a fait avec son univers.
Je terminerai en insistant que les animaux et les plantes,
les poissons et les oiseaux forment part de cette grande aventure de
l’évolution, libération, transfiguration de la vie sur la planète. Dieu nous met devant le mystère de sa
création et nous invite à devenir
partie prenant au service de cette histoire de diversification en
communauté, d’une transparence devant
son grandeur. C’est une grande
responsabilité. Notre planète est - et nous
sommes - en
crise. Jamais depuis des siècles il n’y
a tant de raison pour rebeller contre le système qui est en train de nous
détruire. Jamais il n’y avait plus de raison pour s’engager à des changements
profonds, de tourner vers une économie et une politique qui pourrait assurer
une meilleure vie pour nous et pour les générations à venir. On lutte pour la
bonne alimentation, pour une aire pure, pour de l’eau pure, pour du travail
digne qui contribue à la société. Si nous nous orientons par la tradition
chrétienne, notre premier pas vers la réconciliation sera l’écoute profonde de
ces sœurs et frères qui nous entourent. Ils font aussi parti de la création
aimé par Dieu, libérée par le Christ et appelée à partager le grand Royaume
qu’il prépare. Nous sommes leurs sœurs et frères et nous avons une grande
responsabilité de les soutenir, encore plus que c’est grâce à eux que nous
avons des conditions de vie.
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