Wednesday, 21 March 2012

Le territoire et nous

Depuis quelques années je fais parti du Groupe de théologie contextuelle québécoise. (Voir le lien à côté.)  Nous avons travaillé  ensemble pendant un an pour préparer le texte qui suit (le premier de trois textes prévus sur le thème).


For some years now I am a member of the Quebec Contextual Theology Group . (See the link on the left.) We worked together for a year to prepare the following text (the first of three to come on the topic.)  You can download an English version of the following text at
 http://www.mediafire.com/view/?59g0pdicd7rs47e.


Le groupe de théologie contextuelle québécoise (GTCQ) est formé de personnes oeuvrant en intervention communautaire ainsi qu’en théologie.  Depuis une trentaine d’années,  notre groupe réfléchit sur la réalité de l’injustice sociale au Québec et s’efforce périodiquement  de proposer des pistes d’analyse et d’action. La présente réflexion sur la question du territoire se veut en continuité avec celle qui a été entreprise par le Réseau œcuménique Justice et Paix lors de son assemblée générale de 2011. Elle propose une mise en contexte des éléments que nous comptons aborder dans quelques  textes à venir. Dans un premier temps, nous soulignerons ici comment l’actualité concernant l’exploitation des ressources naturelles nous conduit à des interrogations inattendues sur notre lien au territoire et sur les responsabilités qu’il implique.
Historiquement, l’activité minière a eu tendance à s’exercer loin des régions densément peuplées. Les ravages causés par les mines passaient donc inaperçus, sauf pour ceux qui venaient y travailler. Maintenant que cette industrie a pratiquement épuisé à travers le monde les sources de minerai et d’énergie qui étaient aisément accessibles, elle se montre beaucoup plus audacieuse. Des mines sont maintenant exploitées dans des zones à l’environnement  fragile ou encore sur des terres agricoles, à proximité de lieux résidentiels ou même en plein territoire urbain, et, si incroyable que cela paraisse, jusque sous la mer. Que ce soit pour le territoire revendiqué en vue de l’exploitation du gaz de schiste ou pour celui qui est projeté pour le Plan Nord, une grande partie du Québec est  devenue une cible pour l’industrie extractive.
La conjoncture exacerbe la situation. Ainsi, au plan économique, la raréfaction des ressources minières, une demande sans précédent de celles-ci par les pays émergents en plein boom industriel, la recherche éperdue par les pays riches eux-mêmes d’une relance de leur propre croissance, de même que l’endettement et les déficits budgétaires des États, se combinent pour pousser à la hausse pour plusieurs années le prix des métaux. Il en résulte la présente ruée vers ce nouveau Klondike.
Par ailleurs, au moment même où l’on prend de plus en plus conscience de toutes les mesures historiques qui ont pu contribuer à compromettre le lien des Premières Nations à leurs territoires, voilà que la conjoncture économique joue à nouveau contre celles-ci. Les terres où elles ont été refoulées («réserves») de même que les territoires qu’elles sillonnent depuis toujours se trouvent convoités par le boom minier. À nouveau, les arrivants tardifs du Sud se voient tentés de considérer ces territoires comme «vides» et d’y ignorer tant les Autochtones qui y vivent que le caractère public d’une grande partie de ces espaces, pour s’accaparer sans vergogne des richesses qu’ils recèlent. Ce serait compter sans la résistance des Autochtones et de leurs alliés ainsi que de l’ensemble de la collectivité québécoise.
C’est dans ce contexte que les compagnies minières se présentent comme des sauveurs économiques; elles déclarent développer l’économie québécoise en apportant de la richesse et des emplois qui profiteront à tout le monde; elles minimisent cependant les risques pour l’environnement tout en nous assurant qu’elles feront tout ce qu’il faut pour répondre aux besoins de ceux qui pourraient  subir quelque inconvénient causé par les installations minières.
Et pourtant, la mine d’or à ciel ouvert de Malartic est installée sur des terrains qui se trouvent dans la ville même et donc déjà construits. L’industrie du gaz de schiste a déjà ciblé le territoire agricole le plus fertile du Québec. Le projet de mine de niobium Niocan est situé sur des terres agricoles de première qualité près d’Oka. Il ne s’agit pas là de mines traditionnelles, avec des tunnels creusés sous la terre.  Les mines d’or et de niobium ouvrent en surface d’énormes cratères qui peuvent mesurer plus d’un kilomètre de long. Un puits de gaz de schiste peut s’étendre, avec le temps, sur un rayon d’un kilomètre à partir de son point de forage.
L’histoire démontre abondamment que nombre de sociétés ont vu s’améliorer leur qualité de vie grâce à l’activité minière. Mais il est évident, aussi, qu’il s’agit d’une industrie polluante et que, dans les années récentes, elle est devenue carrément menaçante en raison de la mise en place de méga-projets. Alors que l’activité minière peut être très rentable, les profits sont presque entièrement accaparés par  les directeurs et par les principaux actionnaires des compagnies. En ce qui concerne les  communautés locales, mis à part quelques «projets» de services minimaux pris en charge par les compagnies, elles se retrouvent souvent encore plus pauvres. Lorsque des compagnies font miroiter aux populations locales des promesses de boom économique, les gens se laissent parfois prendre par l’espoir d’avoir plus d’argent dans leur porte-monnaie. Toutefois, on peut s’interroger sur ce qu’on entend par «bien vivre» dans un environnement minier. Ce «bien vivre» n’a-t-il pas à voir avec la qualité de vie pour nous-mêmes, pour notre société et pour les générations futures? Dans nos efforts pour mieux vivre, la société comme les citoyennes et les citoyens individuels cherchent un moyen terme ou un compromis qui leur permettrait à la fois de bénéficier de ce que la terre peut offrir et de ne pas causer à celle-ci des torts irréparables.
Une bonne partie de la population du Québec est vivement préoccupée à propos des tendances actuelles dans l’industrie d’extraction chez nous. « Trou Story », le dernier documentaire de Richard Desjardins, témoigne de façon éloquente de ces préoccupations.[1]
Les gens qui vivent près des mines se plaignent de perdre leur maison ou leur qualité de vie, d’être soumis aux grondements des dynamitages et à ceux des énormes camions qui défoncent les routes. Dans le cas de l’exploitation des  gaz de schiste, les résidents redoutent notamment la contamination de la nappe phréatique, de leur eau potable et de leurs systèmes d’irrigation. Cette industrie utilise quotidiennement des centaines de milliers, sinon des millions, de litres d’eau. Les gens craignent pour la santé dans leurs communautés locales.
Les Québécois et les Québécoises ont toujours pensé qu’ils avaient les pleins droits sur leur propriété individuelle, que celle-ci était inviolable.  Mais leur surprise a été brutale ces dernières années. Selon une tradition britannique, les détenteurs d’une propriété n’ont des droits que sur la surface de celle-ci; le sous-sol demeure la propriété du gouvernement. C’est le cas pour le Québec, pour le Canada et pour la majorité des pays du monde. Un gouvernement peut céder des droits miniers à quiconque en fait la demande. Dans le cas du Québec, on peut faire cela par un simple clic sur Internet, et cela pour un coût minime de dix cents par hectare. Des profits énormes peuvent être réalisés dans cette industrie reconnue pour  son approche où «les loups se mangent entre eux».  Une fois qu’une demande (claim) a été acceptée par le gouvernement, la compagnie peut alors approcher les propriétaires locaux pour négocier «un accès de surface». Quand des propriétaires résistent, des compagnies ont parfois recours à l’intimidation ou font exproprier leur terrain au nom du «plus grand intérêt économique» de la société.
Ces procédures ne font pas que heurter des intérêts individuels ou provoquer le syndrome du «pas dans ma cour».  La population du Québec ressent un profond attachement collectif au territoire qui l’a nourrie. Elle y reconnaît les traces de son histoire et un puissant facteur d’identité collective.  Autant elle apprécie les emplois possibles, autant elle répugne à le laisser défigurer ou à voir ses communautés se faire diviser ou même déraciner.
                        Les Premières Nations sont également touchées et préoccupées par l’orientation que prend l’industrie minière au Québec. Et cela ne date pas d’hier. Depuis l’arrivée des Européens, qui y voyaient une «contrée vide» et qui se mirent en frais de se «l’approprier», les peuples autochtones sont restés stupéfaits de ce dont ils ont été témoins. Ces peuples se voient, en effet,  en profonde relation d’interdépendance avec le territoire et réfèrent à celui-ci comme à la «Terre-Mère». Qui ne voudrait pas protéger sa mère?[2] Ainsi, les peuples autochtones se considèrent eux-mêmes comme les protecteurs du territoire qu’ils ont habité depuis des millénaires et sur lequel ils ont acquis le droit d’exercer cette protection.

Dans cette perspective, la communauté de Kanesatake s’inquiète de l’éventuelle installation d’une mine à ciel ouvert de niobium, près de la riche zone agricole qui avoisine le lac des Deux-Montagnes. Les fermiers locaux partagent la même préoccupation. Le peuple des Cris a également tiré la sonnette d’alarme concernant la direction prise par le Plan Nord, et les Innus, quant à eux,  reprochent au gouvernement de ne pas les avoir fait participer aux consultations.
Le droit international est aussi devenu un facteur important dans la controverse. Le Canada a finalement signé, le 12 novembre 2011, la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des peuples autochtones. Celle-ci exige, en principe[3],  le consentement libre, préalable et éclairé des communautés autochtones avant que les industries minières puissent s’installer sur leurs terres. De plus, une norme similaire de la Convention 169 de l’Organisation internationale du travail est de plus en plus interprétée au Québec comme une exigence qui ne se limite pas aux seules communautés autochtones.
                        Où cela nous mènera-t-il? Peut-être à une meilleure appréciation que notre «droit au territoire» n’est pas absolu mais conditionnel à la protection qu’on lui accorde. Pourquoi la population entière du Québec ne  revendiquerait-elle pas elle aussi que son rapport historique au territoire lui ait octroyé la responsabilité de le protéger? De même, la nouvelle donne ne nous indique-telle pas que l’enjeu n’est pas de lutter les uns contre les autres, mais plutôt de former un partenariat à trois : la population du Québec, les Premières Nations, et la terre elle-même dans toute sa diversité?
                        Pour notre part, refusant de laisser au seul rapport de force, d’ailleurs le plus souvent inégal, le soin de décider de l’issue des conflits, nous nous proposons une double tâche, dans nos prochains textes,  pour contribuer à un discernement collectif plus sain.
Tout d’abord, après avoir pris acte des positions qui s’affrontent et les avoir caractérisées, nous chercherons à en débusquer les ressorts méconnus, à expliciter les visions du monde où elles s’ancrent, aux plans anthropologique, culturel et éthique, par exemple.  Nous serons ainsi amenés à réfléchir au rôle joué par la propriété privée et par la propriété collective dans notre tradition occidentale, et plus particulièrement aux façons dont notre humanité elle-même est affectée par le type de rapport que nous entretenons avec ces parcelles de la planète que nous considérons comme notre territoire et qui définit, en quelque sorte, notre relation à la Terre elle-même.  Il sera également important de retracer l’histoire de la notion de protection de la Terre, un concept qui est devenu central pour le mouvement écologique depuis quelques décennies.
            En second lieu, nous tenterons de mettre en évidence quelques éléments d’une évaluation théologique et éthique de ces positions et visions, puis d’en tirer des implications politiques, c’est-à-dire de discerner comment le rôle de l’instance publique, ou de l’État, est interpellé par la crise du rapport au territoire et appelé à être redéfini par un Nous responsable et visionnaire.

                                    LE GROUPE DE THÉOLOGIE CONTEXTUELLE QUÉBÉCOISE[4]
                                                                                                            15 mars 2012



[2] «Qu’ils aient été ici depuis 4 000 ans ou 400, les Autochtones et les non-Autochtones ont développé un sentiment d’appartenance au territoire.» (Christos Sirros, Ministre québécois des Affaires autochtones (indiennes), lors d’une audience à Montréal à la Quatrième ronde de la Commission royale sur les peuples autochtones, en1993, cité dans Commission royale sur les peuples autochtones, Vers la réconciliation : Vue d’ensemble de la Quatrième ronde,  Groupe Communication Canada, Ottawa, 1994, p. 34.

[3] La signature d’une telle Déclaration ne comporte en tant que telle  aucune obligation juridique. De plus, son endossement par le Canada a été fait «avec qualifications», ce qui équivaut à faire prévaloir les dispositions de la Constitution, des lois et des politiques actuelles du pays sur celles de la Déclaration. Ce qui inclut la Loi sur les Indiens et l’ensemble de la politique sur les traités. En plus, cette signature n’implique aucune contrainte de calendrier ou autre pour la mise en application des standards indiqués dans la Déclaration.  Les Premières Nations ainsi que les Églises canadiennes sont fort préoccupées par cette absence de contrainte. C’est pour cette raison que la Coalition inter-Églises Kairos, en collaboration avec les Premières Nations, mène actuellement  une campagne pancanadienne pour que l’ONU mette en place une convention sur les droits des autochtones. Celle-ci marquerait un autre niveau d’obligation. S’il y avait une convention à cet égard et si Canada la ratifiait, le gouvernement serait obligé par la loi internationale de la respecter par delà notre propre Constitution,  nos lois et toute norme administrative actuelles.  Sinon, le Canada pourrait faire l’objet de sanctions.
 
[4] Michel Beaudin, Céline Beaulieu, Guy Côté, Lise Lebrun, Richard Renshaw, Eliana Carmen Sotomayor, Jacques Tobin.

Friday, 9 March 2012

Surviving in the struggle for social justice


   Some people are called to accept great suffering in their life because of disease or loss.  Such was the case of Job. It raises enormous questions about faith and our understanding of God.
   However, there is also another situation: that of those who voluntarily undertake a path in life that inevitably leads them to isolation, suffering and even to death.  In some cases, this can be due to a life of crime, irresponsibility, addiction or vice. In other cases, it is precisely the choice to live with integrity and care for others that leads to suffering. Such was the case of Jesus and such is the case of many who devote themselves to the care of others or to the struggle for social justice.
   It seems to me that no one gives up their security, their physical well-being or their life simply out of self-interest. As far as I can see, those who surrender their lives in a life-long struggle for justice do so for others. While there are cases where a woman will face and surmount fear of reprisal and even death to defend her dignity, it is, I think more common to see this happen in an effort to save her children or so that her children might have a chance at a better life.
     We do not struggle for social change out of love for the struggle itself but rather in hope of something better – for ourselves perhaps, but most of all for others. Those who persevere in the struggle for social justice are like planters of fig trees: they will never see the fruit of their labour since the tree takes more than a generation before giving fruit.
     Moreover, we cannot carry on our own shoulders the weight of the entire struggle for change as if what we do will make all the difference.  Long term survival in the struggle is possible in so far as we are able to maintain a solid faith in the momentum of the struggle itself, of the common effort of many.As Oscar Romero said, we are not the master-builders, only the labourers.
   Perseverance in the struggle for social justice involves, as Dorothy Day expressed it, dealing with the small day-to-day tasks that come our way.  Only in this way can we contribute to a better world. Nor can we ever measure the effect of our efforts and so, in the meantime, we do the little things that we can each day and we live joyously grateful to be alive and to appreciate all that little joys that life brings, however small.

Friday, 2 March 2012

Student General Strike (Quebec)

The youth mouvement today is no small matter, check out this video about the Quebec student strike against tuiition hikes:  jeunesse d'aujourd'hui   Currently 100,000 students are on strike.

Please note, that the student struggle is not just about students being able to pay a tuitition hike but much more about the place of education in society and how it is made available to everyone and not just to the rich and the children of the rich;